20110517

Notes : PAAN


 
PAAN

Une feuille de bétel vert pâle est trempée dans l'eau pour rester souple. Un peu de chaux éteinte blanche, un autre léchée de liquide brun. De petits bouts de noix de bétel, du tabac. Pour ceux qui le veulent doux, sweet, on y ajoute de la confiture de dattes, de la noix de coco, de la cardamome, une gelée de sucre où brillent des filaments d'argent et d'or, des cerises confites, encore des épices, tout ce que le savoir-faire du vendeur pourra proposer. 

Mâcher, avaler le jus parce-qu'il est sucré mais les vrais hommes passent leur temps à cracher des jets rouge foncé qui barbouillent les pavés et les murs. 
Guillaume se lance, il deviendra un vrai amateur, et le premier qu'il goûte est excellent, riche en saveurs. Tout le monde autour l'observe et se marre quand il met la feuille roulée dans sa bouche, d'autant que le client qui nous a fait la pub exhibe ses chicots rouges et ressemble plus à un clochard qu'à un bon père de famille, ce qui ne veut rien dire. 
Il nous dit "C'est très bon pour la santé". Il n'en faut pas plus pour convaincre Guillaume qui s'en lèche les doigts. 


On en prend un deuxième mais dans un quartier plus pourri, le paan est moins richement servi et je crache bientôt le tout. 
Guillaume voudrait goûter le tobacco paan, préparé dans une feuille plus petite et presque jaune, avec beaucoup de tabac et pas de sucre. Mais le bonhomme déconseille gentiment, expliquant par signes que ça va lui faire tourner la tête. Comme nous sommes à New Delhi dans le remuant quartier face à la gare, nous renonçons pour cette fois.

Mâcher le bétel aurait des propriétés digestives ainsi qu'énergisantes, c'est en tout cas une vraie passion chez les indiens. Partout dans le rue l'on peut acheter des petits sachets argentés de paan industriel, tout à fait dégueulasse.
La modernité aurait tendance à plisser le nez devant cette habitude qui fait cracher en permanence, teint les dents et provoque le cancer de la bouche.

La ville de Bénarès, Vanarasi de son nouveau nom, est célèbre pour sa noix de bétel, effectivement fraîche et tendre. Il y a des dizaines de vendeurs de paan dans chaque rue et les hommes en sont si friands qu'ils ne peuvent plus parler normalement : comme le bétel provoque la sécrétion de beaucoup de salive qu'ils gardent dans leur bouche, ils parlent le bec en l'air pour éviter de baver, la bouche pleine les obligeant à exagérer encore leur voix naturellement nasale. Très drôle.

A Bundi, on refusera de nous en servir, nous n'avons pas compris pourquoi. Peut-être une partie de l'indianité réside-t-elle dans la feuille ovale et lisse du bétel?


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