Même si Bundi est une petite ville, le trafic y reste fatigant, surtout le klaxonnage permanent qui déchire les oreilles. Un peintre nous conseille de visiter Akoda, un village à 20 kilomètres de distance. Montu nous arrange un rickshaw qui nous mène d'abord au grand lac, hors la ville.
S'y déroulent les activités habituelles des ghâts, ces escaliers qui plongent dans le lac. Les hommes et quelques femmes, installées à l'extrémité opposée, se lavent soigneusement, nettoient leur linge. Lavandiers et lavandières frappent les tissus trempés.
C'est le moment où l'on papote avec les voisins, attendant de sécher au soleil. Ces ablutions sont aussi le rituel préliminaire indispensable avant d'honorer les dieux. Beaucoup d'idoles sont dispersées aux abords des lacs, souvent des masses informes dotées d'une paire d'yeux et barbouillées de peinture orange.
Sur la route d'Akoda beaucoup de femmes portent de lourds fagots de branchages mesurant plusieurs mètres de long. Sur leur tête bien sûr, la brouette la plus utilisée d'Inde! Et sans trébucher dans les nombreux plis de leur sari, les cheveux soigneusement dissimulés sous la soie translucide qui vient parfois cacher le visage également. Elles charrient ainsi de quoi alimenter les fours à haute température où cuira la poterie régionale, des jarres à eau ventrues.
Seuls subsistent de grands épineux menaçants : ils fournissent de petits fruits ressemblant à une tomate verte, l'amla, bourrée de vitamine C et très utilisée dans la médecine ayurvédique. L'arbuste a des épines si puissantes que ses branches sont utilisées, avec les haies de cactus et quelques murets, comme protection amovible contre l'intrusion du bétail dans les cultures.
Des banquettes maçonnées aux angles arrondis précèdent la porte d'entrée. Les rue de terre sablonneuse sont ocres, une fine poussière s'élève sous le galop des enfants qui nous suivent en criant, "One phoutou, one phoutou!"
Ce sont eux qui veulent être photographiés, pour le plaisir de se voir ensuite sur l'écran numérique. Certains réclament "one pen", ça donne l'occasion à Guillaume de montrer tout ce qu'on peut faire avec un stylo quand on est magicien. L'effet est sidérant, ils en oublient de réclamer et s'écrient " Dadou! Dadou!", en réalité "Jadou!", magicien.
Un homme arbore le turban multicolore des bergers, sa silhouette élancée vêtue de blanc résonne comme un cri bref. Il tient fièrement dans ses bras un bébé cuivré aux yeux bordés de khôl.
Lorsque nous passons devant sa maison, l'épouse nous invite à passer dans la cour. La grand-mère me cède la meilleure place, sur un sac de jute au pied du grand banyan.
Je prends encore quelques photos en promettant de les envoyer, ce qui sera fait. Guillaume leur offre de la magie et ce qui brille dans nos yeux fait oublier la langue qui nous sépare.
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