20110519

8. INDIA EXPRESS




   
TROIS JOURS POUR 800 KMS 
Patauger dans les ruelles pleines de merde du vieux Varanasi est génial mais le fog nous voile tout, avalant les contours des maisons, les pavés des rues, même le Gange a disparu.

A Varanasi nous aurons changé d'hôtel presque chaque nuit, Ganpati, Alka, Vishnou Rest House et autres rendez-vous de routards européens, de baba cools coréens, d'apprentis artistes du monde entier qui viennent prendre des cours de musique classique indienne, yoga, danse..

Nous souffrons en permanence du froid qui nous empêche de dormir, les couvertures crasseuses des hôtels étant plus que maigres et il faut batailler pour obtenir du supplément de couvrantes, quand il y en a.
Nous avons fini par acheter deux lourdes couvertures de laine grise qui alourdissent sérieusement nos miraculeux petits sacs à dos.

Bref, décision est prise de rechercher la chaleur, donc la mer, donc Puri puisque c'est la côte la plus proche de Varanasi et the guide n'en dit pas grand chose, ce qui nous va très bien. Nous reviendrons à Varanasi dans quelques jours, toujours enthousiastes.

Il faut presque une journée pour acheter un billet, départ le lendemain à 18h, arrivée 12h30 à Puri dans l'Etat d'Orissa, au sud de Kolkatta.





MANGALAR
Dans une dernière balade vers Assi Ghât nous rencontrons Mangalar, 22 ans, caste banyan comme Gandhi, étudiant autodidacte, guide oui mais non. 
 Il nous branche sur la religion, la conversation est intéressante et nous sympathisons. 
Mangalar nous montre un petit parc consacré à l'entraînement physique : au centre et protégée d'un toit de tuiles, une piste de lutte indienne recouverte d'une fraîche couche de sable ayurvédique mêlée de plantes sacrées.
Nous l'invitons à croquer un bout au Karkis, une sympa terrasse italo tibétaine où les clients fument ouvertement des joints, ce qui est inédit jusqu'ici.

Il s'avère que Mangalar, ou son frère, a aussi un rickshaw. Il propose de nous amener à l'hôtel chercher nos affaires puis à Mughal Saraï, la gare située à 19 kms.

Nous savons bien que le service est payant, mais sans vraiment arriver à parler d'argent. Guillaume lui demande s'il agit en tant que guide ou en tant qu'ami.
Mangalar répond : "J'étais sûr que tu me demanderais ça, t'inquiètes pas, je t'ai dit que je ne veux plus faire le guide, ça ne m'intéresse pas".

Il nous a quand même sorti des cartes de visite de guide une heure avant mais il n'y a pas de malice et il nous reste sympathique.
Suit un chassé croise dans la ville avec cafouillages, recherche de THE guide hélas perdu, Mangalar nous prête un Lonely Planet. 

 

Nous arrivons en retard à la gare, évidemment l'affichage ne marche pas et il faut se débrouiller pour trouver les renseignements. Un vendeur de boissons nous dit que le train a 2 heures de retard.

Nous nous séparons de Mangalar, légèrement désarçonnés par les 300 roupies qu'il nous demande pour le trajet, nous croiserons ensuite d'autres français qui ont payé 500 auprès d'un "ami", comme quoi on trouve toujours pire..


Pour savoir de manière sûre à quelle heure part un train et de quel quai, il faut aller à l'Enquiry.
Ce sont plusieurs files séparées par des arceaux de métal. Il n'y a jamais qu'un seul guichet d'ouvert et devant son fenestron une boule d'hommes entassés pressés contre la vitre grillagée, essayant d'attirer l'attention du préposé imperturbable.

 J'arrive à m'incruster par un côté et agite mon petit carnet indiquant les nom et numéro de notre train. Mais le fonctionnaire ne regarde personne et trifouille inutilement des papiers en nous ignorant.

Il y a un tableau couvert d'inscriptions derrière la grille et il faut monter sur les arceaux pour tenter de lire quelque chose, manque de pot c'est en hindi. Un jeune regarde pour moi et m'annonce 13 heures de retard. L'info est confirmée, nous sommes un peu atterrés.

Le train doit donc partir à 7h20 le matin. Compliqué et cher de retourner à Varanasi, nous décidons de chercher un hôtel sur place.
Il y en a peu et ils sont tous bondés, nous finissons par grimper sur un vélo rickshaw qui traverse longuement la brume avant de nous déposer dans un hôtel au milieu de nulle part qui a des draps propres, de vraies couvertures et même une télé.

L'eau chaude est garantie à ce prix-là mais au matin il n'y en a pas et je le prends assez mal.

Après cette courte nuit nous voilà cherchant un rickshaw sur la sinistre et déserte avenue blanche de brouillard mais pas la queue d'un taxi.

Je tends le pouce à tout hasard à une petite voiture blanche et le gars qui écoute des chants religieux nous dépose gentiment devant l'entrée de la gare.
Là, toujours pas de train affiché.
Enquiry nous annonce 22 heures de retard, soit 9 heures d'attente supplémentaire.

Et hop! dans un taxi collectif qui nous ramène à Varanasi pour 15 roupies, où un vélo rickshaw en ville nous escroque pour la énième fois, certes la piqûre est indolore une fois convertie en euros.

Nous traînons quelques heures, encore crapahuter dans les ruelles, retour à la gare pour 16h.
On nous annonce 4 heures de retard, puis 6, puis....

Nous dénichons le bureau des chefs de gare complètement débordés, chacun muni de 4 téléphones, ce qui ne m'empêche pas de les harceler jusqu'à ce qu'ils nous fassent comprendre qu'il est inutile de revenir avant 6 heures du matin! 


Commence alors une nuit de cauchemar. La gare est jonchée de dormeurs allongées, le hall est impraticable. Nous nous réfugions sur le quai glacial tout aussi bondé, nous sommes contents d'avoir acheté ces foutues couvertures car la lourde brume ajoute l'humidité au froid.
Nous errons entre un banc dehors et une cafétéria, rencontre avec deux chouettes polonais vivant en France.

Nous finissons par négocier le droit à entrer dans la salle d'attente normalement réservée aux premières classes pour "dormir" assis à une table, un journal sous la joue se protéger de la crasse collante.



Eveillés bien qu'abrutis à 6 heures du mat nous attendons toujours le train. 
Le lever du jour dévoile l'origine de l'odeur : les rails sont en fait d'immenses toilettes à ciel ouvert, conchiées de mouches, je finis de désespérer.

Nous quitterons Mughal Saraï à 13 heures, au chaud dans un compartiment bien isolé et aux côtés d'une famille très bruyante équipée d'enfants qui ne cessent de se planter à quelques centimètres devant moi pour me regarder, sans ciller.

Le trajet de 22 heures nous paraît agréablement court et nous lâchons enfin les sacs à dos à Puri, avec 42 heures de retard.





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