LES GORI
Nous sommes d'étranges animaux.
Nos moeurs se distinguent en bien des choses : nous payons à prix d'or du papier blanc spécialement conçu car nous sommes incapables de nous débrouiller avec de l'eau, préférant garder le derrière sale toute la journée. Il a fallu importer des toilettes spéciales car certains d'entre nous ne peuvent se résoudre à faire pipi dans un simple trou.
Avec une telle saleté il est donc juste que nous n'utilisions pas nos doigts souillés pour manger, mais une cuillère.
Question nourriture, ce n'est jamais simple : nous étouffons à la moindre trace de piment et devenons complètement dingues avec l'eau, refusant autre chose que l'eau en bouteille, inspectant les bouchons d'un air suspicieux.
Nous surveillons la fabrication des jus de fruit en criant "no water no water", on en a même vu se brosser les dents avec la dispendieuse eau embouteillée.
Nous voulons tout savoir de ce qu'il y a sur la carte mais sans jamais comprendre les réponses, accrochés à nos sacs Quechua comme un enfant à sa mère.
Nous gardons aussi les ordures avec nous, refusant de les jeter dans la rue comme il se doit, pour que les vaches les mangent.
"Peut-être qu'ils ramènent leurs poubelles dans leur pays, en avion?" se demandent nos hôtes
Nous raffolons de prendre les vaches, les singes et les enfants en photo, faute d'oser viser autre chose de nos inséparables appareils borgnes.
Nous aimons les enfants pauvres, avec ou sans mère célibataire. Un de nos esprits éclairés, convaincu que l'éducation est remède à tous les maux inonda les bambins de stylos. Les mots les plus probables qui sortiront de la bouche d'un enfant en âge de parler seront donc : "one pen, one pen".
Nous filles blanches avons parfois des relations avec des indiens indiens (le contraire est plus rare), sans conscience de caste ni de classe sociale et paraissons même préférer les peaux noires tant méprisées.
Nous sommes les gori au pluriel, goré au singulier.
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