GITANERIES
Nous subissons parfois des arnaques organisées, celle de Pushkar étant particulièrement professionnelle. Des enfants et des jeunes femmes nous accostent dans la rue, insistant sur le fait qu'ils ne veulent pas d'argent mais de la nourriture, juste un peu de farine pour faire du pain.
Difficile de résister à l'argument. Une femme prend Guillaume par la main et l'amène devant une épicerie, désignant un paquet à l'avant du comptoir. Guillaume fait signe qu'il en veut trois mais le vendeur lui montre le prix sur la boîte : 270 roupies!
Ce n'est pas de la farine mais du ghee, le précieux beurre clarifié. Elle repartira quand même avec un gros sac de riz de luxe et notre ami Anuj nous expliquera plus tard que la bande revend les articles au même épicier qui se fait une bonne commission au passage.
A Pushkar, le clan gitan des femmes à la peau sombre et aux lourdes jupes rouges exploite la propension de l'occidental à craquer sur la veuve et l'orphelin en brandissant leurs nouveaux-nés barbouillés. Mais trop d'or brille à leurs oreilles, tintinnabule à leurs poignets, on finit par se douter que la mendicité est leur métier, pas toujours ingrat.
Les maris des gitanes, eux, exploitent notre Siècle-des-Lumièrisme : ils arborent un violon en bandoulière et en jouent parfois mais pas toujours très bien.
Pour parer à l'obstacle de la langue, l'un d'eux dispose d'une feuille de papier fatiguée soigneusement pliée expliquant que l'artiste a fait le tour du monde des festivals et qu'on peut l'aider à sauver sa tradition en voie de disparition en achetant son DVD, ou par toute courtoise donation.
VELO RICKSHAW
Nous les découvrons vraiment à Varanasi. Celui qui nous amène de la gare au centre-ville se masse le bas du dos tout en pédalant, il finit par s'arrêter et se plaint d'avoir mal aux jambes, nous le croyons. Nous décidons de l'arrêter et de lui payer la course, en rajoutant un petit pourboire.
Un autre nous fait payer le double du prix normal et réclame un pourboire de 10 roupies à l'arrivée, qu'on lui donne. Malgré l'avis de Guillaume qui pense qu'il faut faire marcher le petit commerce, nous finissons par renoncer à prendre les vélos rickshaw.
Certes la course est deux fois moins chère que les motos rickshaw mais les cyclistes, tous décharnés, sont mille fois plus roués. Et surtout ils se cassent le dos sur leur monture délabrée et nous ne supportons plus de les voir agoniser à la première côte, on descend pour pousser ! Des scrupules que les indiens ne connaissent pas, entassant d'énormes ballots sur le frêle esquif que le chauffeur doit alors haler à pied.
LES ENFANTINS
Certains enfants mendient, d'autres cherchent juste à établir le contact et les réactions varient beaucoup selon les régions, la sociologie des quartiers, les zones urbaines ou rurales.
Dans le village d'Akoda les gamins veulent absolument être pris en photo, peut-être pour faire plaisir au touriste car certains ne veulent même pas voir le résultat. Et les parents veillent à ce qu'aucun ne réclame quoique ce soit.
Il y a beaucoup de mendiants dont c'est la profession, des intouchables of course.
Les plus démunis, nous les avons vus dans les gares, parfois cireurs de chaussures mais acceptant toute forme d'offrande, comestible ou monétaire. Connu pour sa largesse bien qu'imprévisible, le goré (blanc, et oui...) est une cible prioritaire et recherchée.
Le blanc est souvent gêné, n'ose pas trop dire non même devant la plus flagrante entourloupe et tous s'engouffrent allègrement dans la porte ouverte de notre mauvaise conscience.
Trois petits en gare d'Ajmer nous harcèlent un long moment, impossible de s'en dépêtrer, répétant comme une litanie "repair your bag" en montrant notre sac à dos qui aurait effectivement besoin d'une bonne réparation. Guillaume finit par leur offrir des beignets de patate et ils se calment immédiatement, s'asseyant gentiment à côté de nous pour déguster leur goûter tout en nous inondant de sourires édentés.
L'un d'eux s'appelle Kadu, il dit avoir 10 ans. Une espèce de gale lui arrache les cheveux par plaques. Son anglais, glané sur les quais de gare, est bien meilleur que celui de ses frères. Il a un sourire adorable et malicieux, un regard vif et transparent qui nous fend le coeur.
VICAIRES
D'autres professionnels de la main tendue, des privilégiés sûrement, ont une place réservée à l'entrée des temples, alignés en rang d'oignons.
Beaucoup de lépreux, des femmes échevelées assises sur un carré de tissu, leur écuelle à la main, un parapluie noir contre le soleil au-dessus de la tête.
Lorsque le goré approche et commence à donner, cela peut provoquer de petites émeutes où les commères font preuve de peu d'aménité entre elles. Guillaume distribue largement et donne même par mégarde aux marchandes de fleurs assises là et qui acceptent la pièce en riant.
Les sadhus sont des religieux ayant fait voeu de renoncement à tout bien matériel. Ils ne vivent donc que d'offrandes et on les voit faire du porte à porte récolter leur pitance. Il y en a pléthore à Varanasi. Certains ignorent le touriste, d'autres tordent le nez s'ils considèrent l'offrande trop petite et réclament "10 roupies de plus, Madame".
Les vaches aussi font du porte à porte le soir. Elles montent sur les marches menant au seuil et ne s'en vont pas avant que la maîtresse de maison ne leur ait porté quelque chose.
Beaucoup d'indiens donnent même si c'est discret.
Chaque mendiant a son quartier et ses habitudes, se fait offrir un verre de thé ici, un chapati là-bas, tout en chantonnant une litanie entêtante de quelques notes.
Même les chiens sont nourris de biscuits, aux vaches on offre des sacs de plastique avec les déchets végétaux. Appartenant au quartier, elles sont rassemblées le soir pour être traites et légèrement nourries. Les rumeurs (encore!) disent qu'il existe des abattoirs de bovins plus ou moins secrets, ce qui répondrait à ma question : où sont les taureaux ?
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