20110519

9. CÔTE OUEST, PURI


HARE KRISHNA
Puri est – encore – une ville sacrée car elle héberge l'unique temple de Jagannath, un avatar de Krishna aux yeux exorbités qui ressemble fortement à Kenny de South Park. Il est accompagné de deux copains, un frère et une soeur, ou bien sa femme et un frère, selon de disparates versions.

Au centre de la ville se presse l'infatigable foule bigote qui débarque par bus entiers, envahissant les pensions insalubres du centre ville et dépensant leurs roupies en merdes chinoises sur le marché de la plage.

Cette fois nous n'irons pas AU temple principal, interdit aux non hindous. Pourtant nos voisins d'hôtel ont essayé, et se sont fait refouler.
Car Paramananda (nous ne connaîtrons pas son prénom français) est un pratiquant convaincu, son amie Louise un peu moins.
Ils se connaissent de Mirepoix, où ils vivent, et se sont retrouvés à Puri à la croisée de leurs deux voyages au long cours (entendre, quelques mois en Inde).

Paramananda parcourt l'Inde depuis une dizaine d'années, a vécu avec une famille de brahmanes chez qui il s'est occupé des vaches, rencontré un guru indien désormais devenu son guru, un guide.

Il a pratiqué toutes sortes de recherches végéto-spirituelles, ermitages et ascétismes et nous abreuve d'un flot ininterrompu et passionnant ; il nous raconte le panthéon hindou, citant la Baghavad Gita et d'autres textes sacrés.
Ses descriptions socio-psychologiques de Shivah ou de Krishna donnent enfin vie aux multiples avatars croisés sur les routes, mêlant métaphysique, psychanalyse et théologie païenne.



SAINTS SACREMENTS
Louise m'emmène nous baigner auprès d'une source, sacrée bien sûr, dont l'eau incomparablement pure remplit un puits carré dont chaque côté mesure 40 mètres bordés d'une volée de marches, inévitables.

J'avoue ne pas m'être baignée.
Les désagréments liés au fait de se baigner habillée, les regards curieux braqués sur nous et, surtout, la consistance même de l'eau : une surface visqueuse et noirâtre qui brille sur une profondeur invisible, masse molle grouillant d'algues.
Bon, j'en fais peut-être un peu trop...

Comme je fis dans l'eau du Gange à Varanasi, je me suis trempée les mains et mouillé le front, non sans un certain recueillement.

Au centre du bassin émerge un chaperon de pierre sombre, Louise en allant le toucher impressionne sacrément les deux jeunes qui croisent eux aussi loin des bords, probablement les seuls à savoir nager.
Louise se fait engueuler par un vieux car les femmes n'ont pas le droit d'aller au centre patati patata, la mirapicienne se cabre et ne s'en laisse pas conter !

Paramananda et Louise ont patienté avec les fidèles pour acheter des écuelles en terre cuite emplies de la nourriture simple et savoureuse du temple : quand tous les membres du temple ont reçu leur part, des hommes portant de ronds paniers de paille sur l'épaule sortent du temple pour vendre l'aliment sacré à prix d'or, 150 roupies le bol !

Ils nous ramèneront deux bols (je l'ai toujours ce bol Louise !) de la précieuse nourriture ultra-hyper-sacrée : préparée dans d'énormes marmites de terre par une armada de manutentionnaires religieux exclusivement masculins (2000 hommes travailleraient dans le temple) sur des feux dont la première flamme aurait jailli 300 ans après la naissance de J.C.

Toute la journée, debout au milieu du trafic du boulevard devant le temple frissonnent des rangs de marmonnants, des pélerins ou un travailleur qui passe là à vélo, descend de sa monture en déchaussant ses tatanes, prie rapidement les mains jointes, effleure le sol des doigts puis son front et repart à califourchon sur son deux-roues.

Nous dégustons le riz fondant dans une sauce couleur vert amande de légumes, encouragés par Louise et Paramanda qui s'exclament sur la force spirituelle contenue dans les grains blancs.




LA PLAGE
Devant notre hôtel quelques étendues de sable, peu de passants, du vent, mer grise, soleil sur le doré, tas de merdes épars.

Nous nous joignons à une prière de célébration (?) organisée dans un minuscule temple de la taille d'un abri-bus, au bord de la plage.

La dizaine de participants s'installe en rond sur le béton coulé devant l'entrée du temple et commence à chanter, dirigés par la dame à la clochette. 
"Hare Hare Hare Krishna, Rama Rama Hare Rama" et ainsi de suite en boucle. Ce n'est pas désagréable quoique monotone mais surtout notre confrérie est constituée exclusivement d'européens, nette tendance quadra anglaise translucide new age.

Autour de nous, quelques promeneurs indiens qui apprécient le spectacle, et moi aussi de voir enfin les rôles renversés : nous qui prions et eux qui regardent, dans la marrante singerie d'une tradition dont la majorité des héritiers ne connaissent que des rumeurs.

Plus au nord, le marché de plage pour touristes indiens, ah Spiderman !
Sur la promenade des Anglais, ou Malecon, d'innombrables mini stands de friteurs de poissons devant leurs poêlons d'huile fumante. Je ne me souviens plus si j'ai quand même osé goûter mais je crois bien que oui.
Dans les ruelles, encore des boutiques, d'habits cette fois.

Le lendemain, tôt le matin, balade plage vers le sud (au fait, je ne sais plus pourquoi mais je crois qu'on ne s'est baignés qu'une fois...).
Autres horizons. A savoir une enfilade de culs nus face au lever de soleil sur la mer, posant la crotte. Il doit sûrement y avoir une topographie, mais invisible à nos yeux, qui rend possible le cheminement entre tas merdeux et monticules de petits poissons séchant / pourrissant au soleil, une spécialité locale (du coup, je n'y ai pas goûté).


Nous obliquons vers l'intérieur pour découvrir le quartier des crotteurs libres. D'après ce que je comprends (où?  in THE guide dont nous avons racheté un exemplaire à Puri?), ce sont des intouchables ayant reçu l'autorisation ou la possibilité de se convertir en pêcheurs.
Donc ils pêchent et se sont établis un lotissement de baraquettes, tôle et adobe. Tout le sol est du même rouge ocre que les murs, lissé par les pas et délicatement ornés d'arabesques blanches devant l'entrée des maisons.

Vie simple, très simple, je ne crois pas avoir vu de points d'eau ou d'électricité. Des demoiselles sombres balayent inlassablement le sol de terre crue avec un bouquet de branchages pour en repousser le sable, plein de minots culs nul se dandinent pas loin, une rare sono déchire le paysage.